Financer les investissements, quelle alternative à l'emprunt ?

Depuis plusieurs années, la majorité des organisations professionnelles et partenaires de la filière agricole font le même constat : il est de plus en plus difficile pour un jeune de s'installer en tant qu'agriculteur.

Une des principales difficultés est de pouvoir financer l'ensemble des moyens de production nécessaires à l'activité agricole (matériel, bâtiments, foncier, cheptel,…). Le poids de plus en plus important du foncier contribue, en particulier, à alourdir le capital à investir. En effet, la génération d'exploitants qui arrive aujourd'hui en fin de carrière a souvent acquis progressivement le foncier qu'elle exploitait. Arrivée à la retraite, elle souhaite profiter de ce capital en vendant le foncier au nouvel exploitant.

Face à cette problématique, plusieurs outils complémentaires au traditionnel prêt bancaire, existent ce qui permet de différer ou d’éviter l'achat de tout ou partie du foncier, voire des autres biens immobiliers (bâtiments, maison, plantation,…).

1 - Le portage de foncier

Le principe du portage est qu'une banque se substitue, directement ou indirectement, à un porteur de projet souhaitant s'installer comme exploitant agricole pour l'acquisition du foncier sur une durée plus ou moins longue.

Ce dispositif permet au nouvel exploitant de différer l'acquisition du foncier et donc de faciliter l'aboutissement de son projet en allégeant les investissements. Au terme du portage, l'exploitant dispose normalement d'une nouvelle capacité d'investissement qui lui permet alors de racheter le foncier.

Dans le même temps, ce portage permet au cédant de récupérer son capital immédiatement sans s'exposer à une possible défaillance du nouvel exploitant dans le cas d'un prêt privé.

1.1 – Convention de portage SAFER – Crédit Agricole

Quelles conditions pour pouvoir en bénéficier ?

En Poitou-Charentes et Vendée, le portage fait l'objet d'une convention entre la SAFER, les caisses régionales du Crédit Agricole et les Jeunes Agriculteurs. Contrairement à d'autres régions (Aquitaine ou Midi-Pyrénées), aucune collectivité territoriale n'est signataire de la convention.

Cette convention prévoit que le portage peut être mis en place uniquement pour un agriculteur ayant bénéfice des aides publiques à l'installation.

Le portage ne peut concerner que du foncier non bâti, y compris des plantations, dans la limite de 250 000 €.

Quelles modalités pratiques ?

La SAFER achète le foncier à la place du candidat à l'installation au travers d'une ligne de crédit mise en place par le Crédit Agricole. L'achat se fait au prix du marché.

Dans le même temps, une convention d'occupation précaire est mise en place avec ce dernier pour une durée initiale de 5 ans. Cette convention peut être renouvelée annuellement sans toutefois excéder 10 ans au total.

Au cours des 10 années, le repreneur a la possibilité de racheter le foncier quand il le souhaite, en une ou plusieurs fois. Le prix au moment de l'acquisition correspond au prix d'achat initial majoré des frais d'acquisition ainsi que des intérêts d'emprunts, de la taxe foncière et des frais de gestion de la SAFER sur la durée du portage. En contrepartie, le montant des fermages versés vient en déduction.

A titre de comparaison, en Aquitaine, où la Région est signataire de la convention, le coût de financement du portage est pris en charge par cette dernière. La part déductible des fermages sur le prix d'acquisition par l'exploitation est donc plus importante.

Quelques réalisations

Depuis la signature de la convention fin 2014, 10 installations ont bénéficié d'un portage pour un montant global d'environ un million d'euros.

1.2 - StarTerre-Agri, solution de portage du Crédit Mutuel

Le Crédit Mutuel Océan propose depuis début 2015 un dispositif de portage du foncier appelé StarTerre-Agri.

Quelles conditions pour pouvoir en bénéficier ?

StarTerre-Agri s'adresse à tous les porteurs d'un projet d'installation ou aux exploitants installés depuis moins de 5 ans, bénéficiaires ou pas des aides à l'installation. Le bénéficiaire ne peut être qu'une personne physique. En cas d'installation en société, le portage sera donc mis en place au nom de l'associé. Ce dernier a ensuite la possibilité de mettre le foncier à disposition de la société.

Le portage ne peut concerner que du foncier nu. Le dispositif s'adresse donc principalement aux filières élevage, grandes cultures et maraîchage. Les plantations ainsi que les bâtiments ne peuvent en bénéficier.

Il n'existe, a priori, pas de limite en termes de montant ou de surface.

Quelles modalités pratiques ?

L'achat se fait soit via la SAFER soit en s'appuyant sur une expertise de la valeur du foncier. Si le prix demandé par le cédant est supérieur à celui du marché, le portage ne peut être mis en place afin de ne pas contribuer à la hausse du prix du foncier.

Le foncier est acheté par une SCI, détenue à 100 % par le Crédit Mutuel Océan. Concomitamment, un bail notarié de 25 ans et une promesse de vente sont signés avec le bénéficiaire.

A partir de la 5ème année de portage, l'exploitant a la possibilité de racheter le foncier, progressivement ou en une seule fois. Le prix est réévalué au moment de la vente par la SAFER ou un expert foncier. La plus-value sur le prix du foncier est partiellement exonérée. L’exonération va de 50 % si l'achat intervient au bout de 5 ans à 20 % jusqu'à 15 ans.

Le bail n'est pas renouvelable. Si le bénéficiaire n'a pas la capacité financière ou ne souhaite plus acquérir le foncier, ce dernier est remis en vente.

Quelques réalisations

Depuis la mise en place de StarTerre-Agri, le Crédit Mutuel a déjà soutenu 6 exploitants avec à chaque fois des enjeux liés au foncier différents.

En Charente-Maritime, un jeune qui souhaitait s'installer en élevage devait acheter le foncier mais ne pouvait le financer en plus des autres investissements. Le Crédit Mutuel a donc acheté le foncier. Dans quelques années, le jeune reprendra les surfaces actuellement exploitées par son père et devrait alors être en mesure de racheter ce foncier.

En Deux-Sèvres, un jeune installé en élevage ne disposait pas d'une surface suffisante pour assurer l'autonomie fourragère de son troupeau. Un an après son installation, du foncier s'est libéré à côté de son siège d'exploitation. Compte tenu des investissements réalisés lors de son installation, il n'était pas en mesure d'acheter le foncier. Le portage par le Crédit Mutuel permet de sécuriser son système de production. Une fois les investissements initiaux remboursés, il devrait être en mesure de racheter ce foncier

2 - La Foncière Terre de Liens

L'association Terre de Liens est née en 2003 dans la Drôme. Créée en 2007, l'antenne Poitou-Charentes est devenue une association à son tour depuis 2012 (plus d'infos : https://www.terredeliens.org/poitou-charentes.html).

Son action s'inscrit dans une dynamique collective et se décline en 3 axes :

  1. accompagner des porteurs de projet dans leurs démarches d'accès au foncier
  2. informer les citoyens des enjeux fonciers et agricoles actuels
  3. contribuer à la mise en place de politiques publiques foncières et agricoles.

Son objectif est à la fois de freiner la disparition des terres agricoles et de faciliter l'accès au foncier pour permettre de nouvelles installations en acquérant des exploitations agricoles au travers de deux structures :

  • la Foncière : entreprise d'investissement solidaire créée en 2003, collecte l'épargne de particuliers, entreprises et associations au travers de la souscription d'actions
  • la Fondation : reconnue d'utilité publique en 2013, est habilitée à recevoir des dons et legs en numéraire ou en nature, y compris de collectivités.

L'objectif de l'association étant de maintenir la vocation agricole du foncier sur le très long terme, elle acquièrt définitivement les biens concernés et signe un bail avec le porteur de projet. Au contraire des dispositifs précédents, il n'y a donc pas de possibilité de rachat par ce dernier.

Quelles conditions pour pouvoir en bénéficier ?

Les porteurs d'un projet d'installation et les exploitants s'engageant en agriculture biologique peuvent faire appel à la Foncière de Terre de Liens.

Le projet d'acquisition peut porter sur du foncier, des bâtiments agricoles voire la maison d'habitation. L'achat de plantations reste marginal mais est aussi possible. Sauf cas particulier, le financement de bâtiments nécessitant des travaux de rénovation ou de constructions nouvelles n'est pas possible.

Afin d'assurer l'implantation de l'exploitant au niveau local, Terre de Liens souhaite que l'épargne finançant un projet provienne au maximum du territoire sur lequel se trouve la ferme. Le porteur de projet doit donc s'inscrire dans cette démarche.

L'aboutissement du projet peut donc être relativement long. Il faut compter une bonne année en moyenne entre le démarrage du projet et l'achat des biens.

Principes de fonctionnement de la Foncière

L'épargne collectée n'est pas rémunérée mais peut donner lieu à une réduction d'impôt si elle est placée pendant 7 ans ou plus. L'épargnant peut ''flécher'' l'utilisation de ses fonds sur un projet ou une région particulière. Avant de soutenir un projet, Terre de Liens évalue la capacité à lever les fonds nécessaires sur le territoire afin de limiter le risque d'échec du projet.

Le montant du fermage vise juste à couvrir les charges courantes sur les biens acquis (taxe foncière, travaux d'entretien,…). Il est plafonné par rapport aux arrêtés préfectoraux mais est généralement inférieur au fermage traditionnel.

Le plus souvent, le bail mis en place est un bail de carrière ou un bail à long terme mais peut aussi être un bail à ferme classique. Dans tous les cas, ce dernier intègre des clauses environnementales (respect du cahier des charges bio mais aussi entretien de haies, préservation de zones humides,…).

Le prix d'achat fait systématiquement l'objet d'une validation préalable par la SAFER ou les Domaines.

Quelques exemples

Depuis sa création, la Foncière a permis l'installation de plus de 150 exploitants par l'acquisition d'une bonne centaine de fermes pour une surface d'environ 3 000 hectares.

En Poitou-Charentes, 6 fermes ont déjà été achetées et une septième est en cours d'acquisition. Comme au niveau national, il s'agit surtout de petites exploitations (maraîchage, paysan boulanger,…) mais pas uniquement (60 hectares de terres en Deux-Sèvres).

La bonne maîtrise des investissements et de leur financement est une condition essentielle à la réussite et la pérennité d'un projet d'installation en agriculture. Différer ou éviter l'acquisition du foncier, voire des bâtiments, est un levier à ne pas négliger. En fonction des spécificités de l'exploitation et de ses objectifs, le porteur de projet pourra choisir la solution la plus adaptée à son projet.


Tags : prêt bancaire, crédit bail, acquisition, projet, foncier, installation



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Tags : prêt bancaire, crédit bail, acquisition, projet, foncier, installation

modifié : 19/07/2023
Publié : 25/07/2016



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